Il y a cinq ans, avec le soutien de mon médecin traitant, la SAAQ m’a octroyé une vignette de stationnement pour personnes handicapées.
D’une part, l’hiver, marcher sur les surfaces enneigées ou glissantes est périlleux, car ma perception du sol est trompée par mon SDRC. Cet état fait partie des limitations permanentes avec lesquelles je dois vivre désormais. Dans ce contexte, une vignette de stationnement pour personnes handicapées devient un outil important pour contribuer à ma sécurité et pour éviter le survoltage inutile de mon système nerveux.
D’autre part, en été, je peux tout de même utiliser cette même vignette à cause de l’intensité de la douleur et de la forme sous laquelle elle se manifeste (engourdissement, fourmillement, élancement, martèlement, « coups de couteau », etc.), ce qui peut limiter mon énergie et mes capacités à me déplacer.
Bref, beau temps, mauvais temps, la vignette me permet de réduire la distance à parcourir afin que je puisse réaliser les tâches prévues à mon agenda dans les meilleures conditions possibles. Toutefois, quand je vais bien, il m’arrive de ranger ma vignette et de me stationner un peu plus loin pour marcher davantage.
Maintenant que vous me connaissez et que vous savez que mon SDRC s’est attaqué à mes membres inférieurs de façon bilatérale, l’obtention d’une telle vignette vous paraît sans doute tout à fait normale, voire légitime. Or, il en va autrement pour l’ensemble de la population.
Au fil des ans, combien de fois m’est-il arrivé d’être confrontée à des automobilistes qui me percevaient ouvertement comme une profiteuse? Combien de fois ai-je été apostrophée par des gens mécontents qui m’ont demandé ce que je faisais là, stationnée dans un espace réservé aux personnes à mobilité réduite?
Malgré le désagrément que ces incidents ont occasionné, je crois en comprendre l’origine. Après tout, comment blâmer ces personnes m’observant sortir d’une voiture, que j’en sois conductrice ou passagère, alors qu’aucun handicap n’est apparent? Certes, mon crocodile est invisible, mais je vous jure qu’il s’amuse activement, de mes orteils jusqu’à la région lombaire (surtout cet hiver…). Personne ne le voit et personne d’autre que moi ne le ressent. Comment pourrais-je alors être surprise par la curiosité ou l’incompréhension des gens?
Je souhaite que ce billet permette à la population de comprendre ceci : les conditions douloureuses ou handicapantes peuvent être visibles, à peine visibles ou totalement invisibles. Il y a tant de diagnostics et de manifestations que l’on ne connaît pas et pour lesquels l’octroi d’une vignette de stationnement pour personnes handicapées s’avère nécessaire. L’obtention d’une telle vignette n’est pas du tout un privilège : c’est plutôt un droit accordé, après analyse du dossier, par la Société de l’assurance automobile du Québec. Pour me protéger, je garde, bien rangé dans mon portefeuille, le petit papier mauve émis par la SAAQ : c’est mon laissez-passer ou, si vous préférez, mon permis de port… de vignette!