Stationner une voiture avec un SDRC

Il y a cinq ans, avec le soutien de mon médecin traitant, la SAAQ m’a octroyé une vignette de stationnement pour personnes handicapées.

D’une part, l’hiver, marcher sur les surfaces enneigées ou glissantes est périlleux, car ma perception du sol est trompée par mon SDRC. Cet état fait partie des limitations permanentes avec lesquelles je dois vivre désormais. Dans ce contexte, une vignette de stationnement pour personnes handicapées devient un outil important pour contribuer à ma sécurité et pour éviter le survoltage inutile de mon système nerveux.

D’autre part, en été, je peux tout de même utiliser cette même vignette à cause de l’intensité de la douleur et de la forme sous laquelle elle se manifeste (engourdissement, fourmillement, élancement, martèlement, « coups de couteau », etc.), ce qui peut limiter mon énergie et mes capacités à me déplacer.

Bref, beau temps, mauvais temps, la vignette me permet de réduire la distance à parcourir afin que je puisse réaliser les tâches prévues à mon agenda dans les meilleures conditions possibles. Toutefois, quand je vais bien, il m’arrive de ranger ma vignette et de me stationner un peu plus loin pour marcher davantage.

Maintenant que vous me connaissez et que vous savez que mon SDRC s’est attaqué à mes membres inférieurs de façon bilatérale, l’obtention d’une telle vignette vous paraît sans doute tout à fait normale, voire légitime. Or, il en va autrement pour l’ensemble de la population.

Au fil des ans, combien de fois m’est-il arrivé d’être confrontée à des automobilistes qui me percevaient ouvertement comme une profiteuse? Combien de fois ai-je été apostrophée par des gens mécontents qui m’ont demandé ce que je faisais là, stationnée dans un espace réservé aux personnes à mobilité réduite?

Malgré le désagrément que ces incidents ont occasionné, je crois en comprendre l’origine. Après tout, comment blâmer ces personnes m’observant sortir d’une voiture, que j’en sois conductrice ou passagère, alors qu’aucun handicap n’est apparent? Certes, mon crocodile est invisible, mais je vous jure qu’il s’amuse activement, de mes orteils jusqu’à la région lombaire (surtout cet hiver…). Personne ne le voit et personne d’autre que moi ne le ressent. Comment pourrais-je alors être surprise par la curiosité ou l’incompréhension des gens?

Je souhaite que ce billet permette à la population de comprendre ceci : les conditions douloureuses ou handicapantes peuvent être visibles, à peine visibles ou totalement invisibles. Il y a tant de diagnostics et de manifestations que l’on ne connaît pas et pour lesquels l’octroi d’une vignette de stationnement pour personnes handicapées s’avère nécessaire. L’obtention d’une telle vignette n’est pas du tout un privilège : c’est plutôt un droit accordé, après analyse du dossier, par la Société de l’assurance automobile du Québec. Pour me protéger, je garde, bien rangé dans mon portefeuille, le petit papier mauve émis par la SAAQ : c’est mon laissez-passer ou, si vous préférez, mon permis de port… de vignette!

Les joies hivernales du SDRC

Toutes les personnes souffrant du SDRC le savent: l’humidité, la température et la pression atmosphérique ont des répercussions directes sur la gestion de la douleur et du quotidien.

La saison hivernale peut amplifier, voire aggraver, les symptômes du syndrome douloureux régional complexe. Ainsi, si vous résidez au Québec, vous avez dû découvrir que l’hiver n’est pas un ami et que ses caractéristiques météorologiques mettent à rude épreuve tout système nerveux dysfonctionnel.

Bien qu’il existe quelques stratégies pour « limiter » les risques de perturbation du SDRC, il n’y a pas de solution miracle. Une façon simple de prévenir les problèmes est de consulter la météo pour choisir, lorsque c’est possible, les journées les moins froides pour réaliser des activités extérieures. Si elles sont inévitables, il peut être souhaitable de :

  • Prévoir une boisson chaude dans un thermos pour se réchauffer et maintenir l’hydratation;
  • Porter des bottes et des mitaines conçues pour leur résistance aux températures hivernales;
  • Enfiler des gants ou des bas chauffants ou utiliser des chauffe-pieds ou des chauffe-mains afin de protéger les membres touchés par le SDRC;
  • Se garder en mouvement tout en respectant ses limitations fonctionnelles.

Une fois de retour à la maison, il peut s’avérer nécessaire de prendre d’abord un moment pour laisser notre corps se réchauffer doucement et naturellement afin d’éviter tout choc causé par un changement subit de température. Par la suite, selon notre niveau de confort, il peut être agréable de:

  • Glisser les membres atteints sous une couverture chauffante;
  • Prendre une douche chaude ou se plonger dans un bain chaud (mais éviter une eau brûlante);
  • Revêtir des vêtements chauds dont le tissu est doux et supportable, surtout si vous souffrez d’allodynie.

Tranche de vie! Au début de la maladie, j’ai essayé des semelles chauffantes. Malheureusement, mes orteils ne parvenaient pas à être réchauffés, ce qui, dans mon cas, était une véritable torture. J’avais aussi l’air d’un robot avec les batteries au lithium et le câble d’alimentation bien visibles à l’extérieur de mes bottes. Des commentaires peu élogieux entendus sur mon apparence m’ont d’ailleurs convaincue de chercher une autre solution. J’ai découvert un meilleur confort (et plus de discrétion!) dans les bas chauffants, qui se contrôlent à l’aide d’une petite télécommande ou d’une application pour cellulaire.

Mise en garde! Si vous utilisez des orthèses, il vaut mieux demeurer prudent.e.s dans l’usage d’accessoires chauffants, d’une part parce que certains matériaux peuvent ramollir ou se déformer sous l’effet de la chaleur et que, d’autre part, les membres atteints ne ressentent pas toujours la chaleur directe de façon précise et adéquate.

Bref, bien que ces quelques conseils semblent évidents en théorie, en pratique il n’est pas du tout facile de « survivre » à l’hiver lorsqu’on souffre d’un SDRC. Il est important de rappeler que les membres atteints ne perçoivent pas adéquatement les températures extérieures et n’y réagissent pas efficacement non plus, ce qui peut nettement augmenter les risques d’engelure et le niveau de douleur.

Le NERVEmber 2023

Souligné partout dans le monde tous les mois de novembre depuis 2009, le NERVEmber se veut rassembleur pour les gens qui souffrent du SDRC, pour leurs familles, leurs amis, leurs aidants naturels. C’est un mois dédié à la sensibilisation de la population à la cause des troubles neurologiques.

Chaque personne qui reçoit un diagnostic de SDRC ressent tout d’abord peur et incompréhension, car il faut se rappeler que ce trouble du système nerveux est, encore aujourd’hui, peu connu et insuffisamment documenté. Pour compliquer les choses, le parcours de chaque guerrier diffère : l’événement d’origine, la variété des symptômes, l’essai d’un éventail de traitements et de médicaments, tout cela est propre à chacun. Il est donc difficile, voire impossible, d’établir un parcours de soins unique.

Profitons de la fin du NERVEmber 2023 pour nous rappeler ceci:

  • La douleur nerveuse ressentie n’est pas l’œuvre de notre mental, mais elle est contrôlée par notre cerveau;
  • Notre mental n’est pas le moteur du SDRC, mais il a la capacité d’aggraver nos symptômes si nous n’en prenons pas soin;
  • Le SDRC alimente notre anxiété en surstimulant et en déréglant notre système nerveux, mais il faut tenter de trouver des façons de « nous calmer les nerfs », au sens propre et figuré;
  • Il ne faut pas surmener les membres atteints, mais il est primordial de les mobiliser dès que possible et le plus souvent possible pour éviter la kinésiophobie et toute perte de mobilité ou d’autonomie;
  • Les effets désagréables de l’allodynie peuvent diminuer, mais pour cela il faut effectuer progressivement et régulièrement des exercices de désensibilisation, même si cela s’avère douloureux;
  • Nous pouvons nous isoler dans la douleur, mais il faut savoir que des professionnels (psychologue, ergothérapeute, physiothérapeute, kinésiologue, etc.) et des communautés de guerriers peuvent nous soutenir et nous aider à briser l’isolement;
  • Le SDRC est invalidant et douloureux, mais il ne s’agit pas d’une maladie potentiellement mortelle;
  • Notre qualité de vie pré-SDRC ne reviendra jamais, mais nos nouveaux défis nous rendront plus forts;
  • Une rémission d’un SDRC est possible, mais pour cela il faut demeurer informés, positifs et forts malgré les obstacles à surmonter;
  • Les récepteurs de la douleur du membre atteint sont complètement déréglés et la douleur ressentie peut être extrêmement élevée et invalidante pendant une longue période, mais à l’aide de bons soins et d’une médication ajustée, tout guerrier peut apprendre petit à petit à « vivre avec ».

Rappelons-nous que la réalité de chaque patient.e est personnelle. Les symptômes ressentis, les signes observés, les traitements offerts et l’aide obtenue sont tout aussi différents que les gens souffrant d’un SDRC. Bien que le syndrome nous impose une certaine solitude, un point commun demeure: chaque personne diagnostiquée devient d’emblée un guerrier. Nous devenons alors reliés dans notre unicité. Soyons donc seuls ensemble!

Ma douleur et la vôtre: quelle différence?

Dans une série de billets publiés en 2022, j’ai réalisé un exercice de vulgarisation pour mieux comprendre le phénomène de la douleur, que celle-ci soit nociceptivechronique ou neuropathique. J’y décrivais aussi quelques caractéristiques d’une douleur causée par le syndrome douloureux régional complexe1.

Rappelons-nous que la douleur est d’abord et avant tout une expérience désagréable pour toute personne qui la ressent. D’un individu à l’autre, elle peut se manifester différemment, être tolérée différemment et être gérée différemment, mais elle demeure, à la base, une expérience déplaisante et incommodante.

Aujourd’hui, j’ajoute ceci: tout le monde a le droit d’avoir mal. Du simple mal de tête à la migraine, d’une petite coupure sur un doigt à une brûlure au deuxième degré, d’un genou écorché à la fracture d’un os, d’une intervention chirurgicale mineure à un accouchement, ces situations convergent toutes vers un point commun : la douleur. Oui, elle varie en intensité, en complexité et selon son origine (maladie, blessure, accident, intervention chirurgicale, traitement médical, etc.), mais elle demeure fondamentalement désagréable pour tout le monde.

Certaines personnes n’osent pas me dire qu’elles vivent avec une hernie discale ou qu’elles sont victimes d’une rage de dent, qu’elles souffrent du pied diabétique ou qu’elles éprouvent un mal de tête carabiné. Si elles le font au cours d’une conversation, il arrive qu’elles ajoutent timidement que leur douleur n’est rien si on la compare à la mienne et qu’elles ne devraient pas se plaindre devant moi. À cela, je répondrai toujours: qu’elle soit ponctuelle ou quotidienne, la douleur, c’est la douleur! C’est pourquoi il m’apparaît inutile, énergivore et contreproductif de chercher à comparer nos états (ou même notre médication). Cela ne donnera rien de plus ni à l’un ni à l’autre.

Je suis une personne de nature endurante, mais le SDRC m’a obligée à développer de nouvelles stratégies de tolérance, de prise en charge, de lâcher-prise et d’autocompassion en regard de ma condition. De ce fait, j’ose croire que mon diagnostic a fait de moi une personne davantage bienveillante et compatissante. Chacun de nous a le droit d’éprouver de la douleur, qu’elle soit simplement désagréable ou totalement insoutenable, peu importe son origine. Avoir mal à un moment ou à un autre, c’est, à la base, une sensation incontournable de la vie.

On sait aujourd’hui que le SDRC est classé parmi les états les plus douloureux dans les échelles standardisées. Or, le fait que j’en souffre ne devrait pas vous empêcher de me dire que vous ressentez de la douleur, vous aussi. Vous en avez le droit tout autant que moi… Ce n’est pas un privilège réservé aux guerriers du SDRC.

  1. Lisez ou relisez les billets La douleur du SDRC : l’allodynie et l’hyperalgésie et La douleur du SDRC : les crises pour en savoir davantage sur la douleur relative à un SDRC.

Nouveau trauma

En 2016, je me suis blessée au pied gauche1. Avec le temps, mon SDRC est devenu bilatéral en se répandant dans mes deux jambes et en m’envahissant jusque dans la région lombaire. Mon système nerveux demeurera détraqué de façon irréversible et permanente, mais après plusieurs années de traitements, de pleurs, de douleur, de travail et d’effort, j’ai réussi à atteindre un certain équilibre, ce qu’on peut appeler une rémission2. C’est cette rémission et les bons soins de l’équipe médicale qui m’entoure qui m’ont permis de retourner au travail à temps plein à la rentrée scolaire d’août 2022 et d’effectuer une année complète à l’école pour la première fois depuis 2016. 

Mon SDRC a provoqué des déformations physiques et esthétiques observables sur mes deux pieds, ce qui m’a occasionné différents problèmes, notamment à la marche et pour le port de chaussures. En juin 2022, mon anesthésiologiste et sa collègue plasticienne me donnaient un an d’observation, d’interventions et de soins en podiatrie avant de décider de l’avenir de mes deux gros orteils. J’avais d’ailleurs partagé cette nouvelle prometteuse dans un billet intitulé Trauma futur possible : une mise en pause

Nous voici donc un an plus tard, en juillet 2023. J’aurais aimé vous dire que tout va pour le mieux, mais ce n’est pas le cas : c’est au tour du pied droit de faire des siennes. Il aura pris son temps, mais il aura finalement réussi, lui aussi, à me causer des soucis.

Je voyais que l’état de mon pied droit se détériorait, mais j’avais encore l’espoir d’échapper à une autre anesthésie locale. Ma podiatre avait déjà réussi l’impossible, alors pourquoi sa magie n’opérerait-elle pas encore une fois? Hélas, mes vœux n’ont pas été exaucés.

En une seule semaine, tout s’est bousculé : la nécessité d’une opération s’est imposée. Le lundi, ma podiatre a effectué un traitement partiel et elle a rédigé un plan d’intervention à soumettre à mon anesthésiologiste au Centre de gestion de la douleur (HMR). Le mercredi, cette dernière m’a traitée et a ajusté ma médication afin que mon SDRC demeure le plus tranquille possible avant, pendant et après l’opération. Puis, le vendredi, ce fut le jour du bistouri.

Anesthésier un membre atteint d’un SDRC, c’est risqué. Très risqué. Le crocodile dompté et assagi pourrait y voir l’occasion de se rebeller et de recommencer à faire la fête. Même si tout a été organisé très vite et que je faisais confiance à ma podiatre et à mon médecin de la douleur, les événements à venir ravivaient certaines craintes:

  • Comment mon système nerveux allait-il réagir à ce nouveau traumatisme? 
  • Les anesthésiants utilisés pourraient-ils m’insensibiliser suffisamment pour toute la durée de l’intervention chirurgicale? 
  • Comment mon crocodile allait-il percevoir l’anesthésie et l’opération? Demeurerait-il sage ou exploserait-il en me faisant rechuter, en me renvoyant à la case départ?

Mon anesthésiologiste s’est montrée optimiste. D’une part, il s’agissait d’une première intervention au pied droit2 et le plan proposé en podiatrie convenait à ma situation. D’autre part, elle était confiante que l’ajustement de ma médication m’aiderait à « contrôler » la douleur. Il ne nous restait alors qu’à attendre de voir quel rôle mon crocodile aurait envie de jouer.

C’est donc à la fois rassurée et inquiète que je me suis présentée à la clinique podiatrique. Mon crocodile s’est manifesté immédiatement après l’injection de l’anesthésiant : il a engourdi mon pied droit au complet, des orteils et jusqu’à la cheville (alors que seul le gros orteil aurait dû être dans cet état). De retour à la maison et une fois les effets anesthésiants commençant à se dissiper, la bête a pris le contrôle de ma jambe droite et de mon pied gauche en provoquant des engourdissements intenses, des élancements et de l’allodynie3. Les «festivités» ininterrompues ont duré 48 heures… puis mon croco a retrouvé son calme. Il me laisse maintenant gérer la douleur relative à l’intervention et à ma rémission, mais il le fait tout en regardant mon système nerveux avec appétit et convoitise.

Mais moi aussi, je garde un œil sur lui.

L’expertise de la podiatre et de l’anesthésiologiste ont joué un rôle de premier plan dans la tournure des événements des derniers jours. Je suis reconnaissante des soins reçus par ces deux professionnelles et je suis consciente de l’immense chance que j’ai eue : mon SDRC s’est manifesté, mais il ne s’est pas aggravé. 

Mon crocodile sait qu’il n’a qu’à bien se tenir : j’ai encore la force, le courage et l’aide nécessaires pour le dompter. 

  1. En 2016, mon pied gauche a subi cinq traumatismes en quelques mois : un accident de travail ainsi que quatre interventions chirurgicales. 
  2. Consultez le billet Guérison impossible, rémission possible pour vous rappeler ou découvrir ce qu’est une rémission dans le contexte d’un syndrome douloureux régional complexe.
  3. Lisez ou relisez le billet rédigé au sujet de l’allodynie pour en savoir davantage sur cette manifestation douloureuse fréquemment observée chez les patient.e.s souffrant d’un SDRC. 

Le SDRC et les virus ne font pas bon ménage

Qu’on parle d’un simple rhume ou du coronavirus, les gens souffrant d’un SDRC savent une chose: il est fort possible que le niveau de douleur chronique et neuropathique augmente lorsque notre corps combat un vilain virus.  

Ayant gagné le gros lot de la COVID-19 à deux reprises et combattu cet hiver un rhume et une sinusite-laryngite (oui, malgré une vaccination antigrippale à jour et beaucoup de prudence), j’ai pris des notes. Chaque fois, le scénario s’est répété : mon syndrome douloureux régional complexe s’est manifesté et a pris de l’ampleur.  

Malheureusement, j’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucun article portant sur l’augmentation de la douleur observée chez les patient.e.s souffrant déjà d’une condition douloureuse au moment où elles et ils ont contracté un virus de nature respiratoire. Ce n’est que tout récemment qu’il m’a été possible de questionner une infirmière et un médecin à ce sujet.  

On m’a expliqué qu’un premier facteur à considérer pour comprendre le phénomène était le stress occasionné par le virus lui-même. Ainsi, pour une personne porteuse d’une condition de santé handicapante et difficile à contrôler, le simple fait de combattre un virus peut rapidement devenir exigeant, et ce, sans égard à la gravité des symptômes ou aux autres conditions sous-jacentes. Et qui dit stress, dit aussi augmentation de la douleur…  

Un deuxième facteur à prendre en considération est la nature du virus en tant que tel. Il n’est pas rare d’entendre les gens qui ont combattu la COVID-19 ou la grippe affirmer qu’ils ont ressenti des douleurs musculaires, thoraciques, abdominales, lombaires ou articulaires possiblement dues au combat du virus et à une toux profonde et persistante. Voilà donc d’autres types de douleur qui peuvent s’ajouter à celles déjà ressenties par les patient.e.s souffrant d’un SDRC.  

Le troisième et dernier facteur qui m’a été présenté relève du mécanisme mis en œuvre par le corps humain pour combattre un virus. De façon générale, lorsque le système immunitaire est à l’oeuvre, il tente de diminuer l’état inflammatoire du corps. Les molécules mobilisées pour mener le combat créent des perturbations du système nerveux, ce qui peut aggraver l’état de douleur déjà existant. Imaginez maintenant le mélange explosif que peuvent occasionner notre douleur « habituelle » et le déséquilibre respiratoire et corporel dû à un virus!  

Malheureusement, combattre un virus et gérer la douleur se vivent souvent dans la solitude. La première requiert un isolement pour éviter de contaminer notre entourage; la nature même de la seconde nous isole dans un monde moins accessible ou compréhensible en regard des gens qui ne vivent pas dans la douleur. Dans les deux cas, il importe de garder un bon moral et de comprendre que l’augmentation de la douleur dans un tel contexte est un phénomène normal et explicable. Consacrons-nous plutôt à la guérison qu’à l’inquiétude, ce sera déjà un excellent remède!  

8760 heures

Il y a 24 heures dans une journée et 365 jours dans une année. Pour une personne souffrant d’une douleur neuropathique, telle qu’un syndrome douloureux régional complexe, cela représente, par an, 8760 heures d’éveil et de sommeil avec la douleur. 

8760 heures.

Voilà les données troublantes révélées par Pascale Marier-Deschênes1 à l’occasion de l’événement PainTalks qui a eu lieu le 3 novembre 2022.

Toutefois, la conférencière a rapidement apporté une petite nuance dans son calcul. Si chaque rendez-vous médical ou thérapeutique correspondait à ne serait-ce qu’une heure par jour, nous pourrions alors soustraire 365 heures par an des 8760 heures calculées précédemment. En effet, pendant les suivis et les traitements, nous ne serions plus considéré.e.s en situation d’autogestion de notre douleur. Pendant ces rendez-vous, nous ne serions plus seul.e.s, car un expert nous écouterait, nous accompagnerait, nous soutiendrait, nous soulagerait. 

Malgré cet optimisme, on pourrait raisonnablement penser que chaque année, à vie, il nous resterait à autogérer – ou à « vivre avec » – plus de 8000 heures de douleur de façon individuelle et autonome, de jour comme de nuit. 

Devant ces données qui donnent assurément le vertige à toute personne souffrant d’un SDRC, il devient primordial, voire vital, d’apprendre à gérer la douleur soi-même.

Pendant sa conférence, madame Marier-Deschênes a insisté sur l’importance de l’autogestion de la douleur dans le processus de réadaptation et d’acceptation. Elle insiste d’abord et avant tout sur la nécessité de nous renseigner et de nous informer au sujet de ce que nous vivons afin de véritablement comprendre notre nouvelle réalité et les changements qui se sont opérés dans notre système nerveux. 

De plus, selon elle, avec le temps, l’expérience et les connaissances, il est possible de développer un « pacing » plus efficient de notre douleur. Reconnaître nos limites et tendre vers un équilibre, voilà où pourrait se trouver une partie de la solution pour autogérer ces 8000 heures annuelles. 

Évidemment, la chercheure recommande la pratique d’activités de mieux-être (méditation, yoga, lecture, dessin, peinture, etc.) et l’adoption d’habitudes de vie saines et positives relativement à notre alimentation, à notre sommeil et à l’activité physique. Tout cela joue un rôle crucial dans notre capacité à autogérer notre douleur et ces sujets ont d’ailleurs fait l’objet de plusieurs billets publiés en 20222.

La douleur évolue au gré du temps, du vent et de la vie. Chaque journée, voire chaque heure, la douleur varie en intensité et se métamorphose selon nos activités, la température et notre niveau d’énergie ou de fatigue. Or, qu’elle soit légère, modérée ou intense, la douleur reste ce qu’elle est : invalidante, envahissante et épuisante.

  1. La doctorante en sciences cliniques et biomédicales à l’université Laval s’intéresse à l’autogestion de la douleur. 
  2. Au besoin, consultez les archives en cliquant sur ce lien

Il n’y a pas de crocodile au paradis des chiens

Depuis mon retour au travail en août 2022, j’avais l’impression de m’en sortir plutôt bien. Je croyais avoir atteint cet équilibre précaire entre la douleur quotidienne et la crise. Je m’étais même découvert un certain talent pour jongler avec travail et syndrome douloureux régional complexe.

Dans les dernières semaines, alors que ma vie tentait toujours de rentrer dans l’ordre, un petit pas à la fois, j’ai refusé de voir venir LA tempête. J’ai d’abord perdu le goût d’écrire, puis j’ai perdu les mots. J’ai fermé mes yeux remplis de larmes et de déni et j’ai espéré très fort que ce ne soit qu’un mauvais rêve.

Le choc a été brutal. J’ai été frappée de plein fouet.

J’ai dû prendre la décision la plus difficile de ma vie et c’est dans mes bras que mon petit chien Fiji s’est endormi. Mon fidèle compagnon, mon acolyte des presque 17 dernières années a traversé le pont de l’arc-en-ciel (the Rainbow Bridge).

Évidemment – oh surprise! – mon crocodile s’est réveillé sur-le-champ. Il fallait qu’il s’en mêle. Alors, au lieu de me laisser tranquille dans mon deuil et ma tristesse, il s’est rapidement manifesté dans tout son potentiel : il a affaibli mon système immunitaire (vive la saison des virus respiratoires!), il a rallumé la flamme brûlante de mon SDRC (vive le bûcher que sont devenus mes pieds!), il a reconnecté mon système nerveux à la centrale d’Hydro-Québec (vive les impulsions électriques dans mes deux jambes!) et il me tient éveillée la nuit (vive la douleur et les crampes nocturnes!).

La tempête déferle encore, c’est un véritable ouragan. Mais je lui tiens tête, à ce fichu crocodile. Je demeure droite et forte. Il est en crise, je m’en fiche. Il me pile sur les pieds, je me chausse quand même. Il me déconcentre, je l’ignore et je continue à travailler. Il se calmera, je ne lui en laisserai pas le choix : j’ai un doctorat en domptage de crocodile. Ça prendra le temps que ça prendra, mais je sais qu’il finira par se calmer. Je suis invincible.

Mon petit Fiji, je n’aurai pas su te protéger des ravages du temps, de ce temps qui, en ta compagnie, a passé beaucoup trop vite. Je n’oublierai jamais ta participation, ton dévouement et ton attention dans mon processus de réadaptation. Tu auras été ma première source de motivation pour apprendre à marcher dans la douleur.

Je suis soulagée: il n’y a pas de crocodile au paradis des chiens. Repose-toi, maintenant, Fiji. Trouve ce repos tant mérité, pour toi qui as été ce qui m’est arrivé de plus beau dans les 17 dernières années de ma vie. Sache que je chérirai à jamais nos doux souvenirs et, dans mon cœur, tu seras éternel. Tu es ma petite étoile dans le ciel.

Fiji Horth 2005-2022

Le NERVEmber 2022

Le NERVEmber est de retour!

(Pour en savoir davantage sur l’origine de cet événement, lisez ou relisez le billet de blogue publié en novembre 2021, directement accessible en cliquant ici).

Le terme NERVEmber est utilisé pour représenter le mois de la sensibilisation aux neuropathies. Cette expression, apparue en 2009 et formée de la fusion des mots « Nerves » et « November », représente plus d’une centaine de maladies et de conditions médicales occasionnant différents troubles du système nerveux, dont le syndrome douloureux régional complexe fait partie.

Vivre avec un SDRC, c’est vivre avec une douleur intense, à la fois chronique et neuropathique. Ce syndrome, encore trop méconnu, entraîne des séquelles importantes et des répercussions majeures sur la qualité de vie des gens qui en souffrent.

Pendant tout le mois de novembre, plusieurs événements permettront de sensibiliser la population aux douleurs neuropathiques et au SDRC. En voici quelques-uns.

  • Le jeudi 3 novembre 2022 : La septième édition de PainTalks2022, organisée par le Réseau québécois des étudiants-chercheurs sur la douleur (RQECD) sera offerte gratuitement en ligne et en présentiel à Montréal. Cliquez ici pour en savoir davantage sur l’événement et pour vous y inscrire si le sujet vous intéresse.
  • Le lundi 7 novembre 2022 : La journée Color the World Orange Day sera célébrée partout dans le monde pour sensibiliser les gens au syndrome douloureux régional complexe. Les villes participant à l’événement illumineront en orange des bâtiments gouvernementaux, des ponts ou des lieux touristiques, tels que les chutes du Niagara au Canada, le Skydance Bridge à Oklahoma City aux États-Unis, la mairie de Dublin en Irlande et le terminal de l’aéroport de Christchurch en Nouvelle-Zélande.
  • Du 6 au 12 novembre 2022 : La Semaine nationale de la sensibilisation à la douleur (SNSD)1 sera soulignée au Canada. Pour découvrir comment vous impliquer tout en demeurant dans le confort de votre foyer, cliquez ici.
  • Le mardi 15 novembre 2022 : Participez gratuitement au Facebook Live offert par l’International Pain Summit 2022. Cet événement organisé par iPain (International Pain Foundation) donnera la parole à cinq conférenciers soucieux de faire avancer la recherche sur la douleur.
  • Le jeudi 17 novembre 2022 : Une petite escapade à Phoenix en Arizona est-elle prévue à votre agenda ce jour-là? Profitez-en pour assister au spectacle Comic Pain Relief 2022 Comedy Show. Dommage qu’on ne puisse pas y assister virtuellement!
  • Le mardi 22 novembre 2022 : Une entrevue intitulée « The Nerve of Gratitude » sera diffusée en direct sur la page Instagram @internationalpainfoundation. Nous pourrons assister à un entretien réalisé avec Barby Ingle, présidente de iPain et éditrice en chef de la revue iPain Living Magazine.

Ce mois-ci, vous pourriez aussi voir apparaître plusieurs mot-clés cliquables sur les réseaux sociaux, tels que #NERVEmber, #PrioriteDouleur, #BURNINGforaCURE, #CRPSOrangeDay, #GoOrange et #CRPSAwareness.

Alors que 2022 tire à sa fin, le SDRC demeure une maladie mystérieuse, difficilement traitable, non guérissable et peu connue encore à ce jour. C’est pourquoi il est important de poursuivre le travail de sensibilisation aux maladies neuropathiques et au SDRC.

Cher lectorat, l’intérêt que vous portez à mon blogue appuie mon désir de continuer à me mobiliser pour la cause. Chaque billet lu représente une personne informée de plus : merci pour votre incroyable soutien.

  1. National Pain Awareness Week, NPAW.

Retour au travail et SDRC ne font pas toujours bon ménage

À mon retour au travail, c’est avec bonheur que j’ai revu mes collègues et ami.e.s, mais c’est avec soulagement que j’ai retrouvé mes outils ergonomiques (chaise, tabouret, table ajustable, repose-pied), accessoires fort utiles qui m’aideront assurément à maintenir mon SDRC sous contrôle.

Or, après six ans à temps partiel et les derniers quinze mois de mise en pause complète, je me rends bien compte que mon corps a de la difficulté à s’adapter au rythme du temps plein… C’est sans doute normal, me direz-vous!

J’ai encore de la difficulté à gérer ma douleur « résiduelle » et mon niveau de fatigabilité demeure très élevé. Malgré ces inconvénients, je demeure heureuse d’être de retour, d’occuper mes journées à me rendre utile et, je l’espère, à faire éventuellement une petite différence dans la vie des élèves qui me seront confiés dans mon nouveau mandat.

Ce que j’avais sous-estimé, cependant, c’est un détail qui peut sembler anodin pour le commun des mortels : le port de souliers! Mon syndrome logeant dans mes membres inférieurs, laissez-moi vous dire que cela ressemble parfois à de la torture! Évidemment, il serait un peu farfelu et franchement imprudent de travailler dans une école secondaire sans chaussures…

De plus, je m’entraîne moins ces jours-ci. En vérité, je n’y arrive pas du tout. Mon retour au travail gobe pratiquement toute mon énergie (et au retour à la maison, vous n’imaginez pas quel plaisir j’éprouve à retirer mes souliers!). J’ose espérer que cette période d’ajustement ne sera que temporaire. Avec le temps, je demeure optimiste de pouvoir retrouver mes repères (ou de m’en donner d’autres) pour enfin conjuguer efficacement et naturellement travail, maladie et vie personnelle.

Si mon crocodile se tient relativement tranquille depuis la rentrée scolaire, il me rappelle tout de même quotidiennement qu’il est bien présent, tel un ennuyant mais fidèle compagnon. Je parviens encore à le gérer, malgré le malin plaisir qu’il éprouve à me piler sur les pieds, à me marteler les orteils et à tenter de mettre mon système nerveux en feu. Il va sans dire que je fais ce qu’il faut pour l’ignorer, mais c’est tout de même embêtant de travailler avec un crocodile aussi mal élevé…

Je connais mon crocodile par cœur, alors j’essaie de contourner les obstacles qui pourraient le réveiller. Pour le bien-être de mon système nerveux, je m’efforce de rester calme et zen. J’essaie de maintenir au quotidien ma sérénité dans les aléas du monde du travail et de mon SDRC. Ce n’est pas toujours facile, je dois l’admettre, mais au moins j’essaie.

Je me félicite pour les accomplissements quotidiens, je me gâte de temps à autre pour célébrer une petite victoire (comme des sushis pour souligner ma première semaine pleine au travail) et je me retrousse les manches lorsque mon crocodile veut déraper. Le processus est loin d’être parfait, mais je me donne le devoir de rester concentrée sur le positif et de continuer à espérer le meilleur.