À la découverte d’une nouvelle normalité

Depuis 2016, j’ai eu si peur d’être déclarée invalide ou inapte à exercer mon emploi d’enseignante et, à maintes reprises, je suis passée si proche d’en arriver à cette triste conclusion…

Or, après six ans de colère, de frustration et de peine, après six ans de traitements, de thérapies et de médication, après six ans de douleur et de larmes, après six ans en arrêt complet ou au travail dix heures par semaine, après 15 mois consécutifs «stationnée» chez moi, je suis enfin de retour de travail à temps plein! (Eh oui, on a tiré sur le pansement d’un coup sec: de chez moi à 32 heures de travail par semaine sans transition ni retour progressif!)

Je me suis battue bec et ongles pour parvenir à dompter mon crocodile et pour défier les pronostics de ma maladie. Heureusement, je n’ai pas mené ce combat toute seule : j’ai été entourée de mes parents, de ma famille, de mes ami.e.s, de mon médecin traitant, de trois médecins spécialistes, d’une psychologue et de neuf thérapeutes qui m’ont tous aidée à me dépasser et à relever les nombreux défis lancés par la bête sauvage. Quelle grosse équipe de feu!

Je ne remercierai jamais assez toutes ces personnes formidables pour leur dévouement, leurs encouragements et leur écoute.

Mon retour au travail et ma rémission de mon syndrome douloureux régional complexe sont mes plus belles réussites de ces six dernières années.

Depuis mai 2016, ma vie est tout sauf normale. J’en aurai vécu, des montagnes russes! Je suis heureuse d’enfin voir briller les étoiles dans le ciel grâce à ma rémission.

Malgré les épreuves liées à la maladie et ayant eu un impact sur ma vie personnelle et professionnelle, je serai demeurée forte et droite dans ma tempête.

Je ne dois jamais l’oublier : je suis une guerrière.

Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais aujourd’hui, je souhaite célébrer cette victoire et cet espoir d’un retour à une vie presque normale (car vivre avec un crocodile, c’est loin d’être normal!).

Mon retour au travail marque aussi une petite mise en pause de ce blogue. Vous comprendrez sûrement qu’après toutes les épreuves traversées, je souhaite aujourd’hui me consacrer entièrement à ce retour au travail que j’attendais impatiemment, car il me faut éviter à tout prix des crises de douleur ou pire, une rechute de ma maladie.

Je continuerai tout de même à publier des billets de temps à autre, mais je ne le ferai plus de façon hebdomadaire comme je le faisais depuis les douze derniers mois.

Cela m’aura pris du temps avant d’avoir le courage de raconter sur le Web mon expérience avec le SDRC, mais j’ai fini par oser. Depuis septembre 2021, vous m’aurez lue chaque semaine avec assiduité et curiosité. Merci de m’avoir accompagnée dans les nombreux périples que m’a fait vivre mon crocodile. Vous m’avez permis de briser l’isolement et votre présence virtuelle a été une source de motivation, de réconfort et de bonheur.

Je sors grandie de cette expérience de blogueuse. L’écriture hebdomadaire a été une véritable thérapie. J’ai aimé jouer avec les mots pour vous présenter en quoi consiste ce syndrome si complexe (et qui porte si bien son nom!).

Je vous quitte donc pour un moment, mais je reviendrai dès que possible, c’est promis. Ce matin, je sortirai de la pièce tout doucement, sans bruit, sur la pointe des pieds. Je ne veux surtout pas réveiller ce crocodile nouvellement apprivoisé qui, pour l’heure, sommeille paisiblement à mes côtés. Chut! La bête est calme, laissons-la dormir confortablement tant qu’elle le souhaite puisqu’aujourd’hui, elle me laisse vivre à nouveau.

Questions au sujet de la rémission d’un SDRC

À la suite de la publication du billet de la semaine dernière, on m’a posé quelques questions en privé au sujet de la rémission.

Voici deux d’entre elles.

La rémission d’un SDRC et celle d’un cancer : cela signifie-t-il la même chose?

Bien qu’il soit incurable à ce jour, le syndrome douloureux régional complexe ne pose aucun risque mortel pour les gens qui en souffrent. Donc, on ne peut donc absolument pas comparer un SDRC à un diagnostic de cancer.

Être en rémission d’un SDRC, c’est une façon d’exprimer :

  • que la maladie est contrôlable malgré sa permanence;
  • que les crises de douleur intense sont moins fréquentes et plus courtes;
  • que les patient.e.s parviennent à fonctionner dans leur quotidien malgré une douleur dite « habituelle ».

Le seul point commun de ces deux types de rémission est que les risques de rechute de la maladie existent.

La douleur « résiduelle », celle du quotidien en rémission, à quoi ressemble-t-elle?

Dans mon cas, ce sont les mêmes sensations que je ressens depuis le début de la maladie, celles qui se manifestent le plus fréquemment. Il s’agit notamment d’engourdissements, de tiraillements, de sensations de brûlure et de pulsations électriques.

D’autres personnes pourraient ressentir davantage de picotements et moins de fourmillements, par exemple. Chaque patient.e souffrant d’un SDRC observe des manifestations particulières de la maladie; c’est d’ailleurs ce qui contribue à rendre son diagnostic si difficile.

Selon mon expérience, être en rémission d’un SDRC, c’est considérer :

  • que mon corps s’est « habitué » aux sensations douloureuses relatives au syndrome;
  • que celles-ci sont maintenant perçues comme étant « normales »;
  • que je sais mieux reconnaître les signaux indiquant le moment de ralentir, de faire une pause ou de m’arrêter;
  • que l’intensité des manifestations de la maladie peut continuer à varier selon les journées, la température ou les activités, mais que celles-ci demeurent contrôlables dans la mesure du possible.

C’est aussi savoir :

  • que la médication joue un rôle important;
  • que les exercices prescrits doivent être effectués pour maintenir la mobilité des articulations et une hygiène de vie saine et positive;
  • qu’une rechute de la maladie est toujours possible et peut survenir à tout moment (c’est-à-dire une douleur de nouveau incontrôlable et invalidante).

Si vous avez d’autres questions, écrivez-moi!

Guérison impossible, rémission possible

À ce jour, le SDRC est une maladie incurable.

Mon crocodile ne partira jamais. Nous sommes liés l’un à l’autre pour l’éternité.

Or, avec le temps (beaucoup de temps!), je suis parvenue à le dompter.

Oui, j’y suis arrivée. J’ai déjoué les pronostics.

La bête sauvage est domptée!

Mon étrange crocodile et moi sommes arrivés à un point de notre cohabitation où il a appris à me ficher la paix (ou presque!). Il a appris à se tenir, à rester sagement à mes côtés. Toutefois, il continuera sans cesse à me surveiller de ses yeux malicieux, attendant patiemment l’événement qui le fera sortir de sa fausse tranquillité…

Après six ans de travail acharné, mon anesthésiologiste m’a déclarée en rémission de mon SDRC. Ça m’aura pris six ans de douleur, de pleurs et de colère, d’efforts et de moments de découragement, de hauts et de bas, mais, ô miracle, j’ai réussi.

Je suis en rémission de mon crocodile!

«Rémission» ne veut pas dire «guérison». On ne guérit pas d’un SDRC, c’est incurable. C’est à vie que je continuerai à ressentir de la douleur, des engourdissements et des décharges électriques. La rémission signifie seulement que mon crocodile est suffisamment contrôlé pour être contrôlable. Or, il ne me faudra jamais oublier qu’il demeure un animal sauvage qui peut s’exciter ou se rebeller à tout moment, un peu, beaucoup ou même passionnément.

Certain.e.s patient.e.s du SDRC ne vivront jamais une rémission, alors que d’autres rechuteront, trop rapidement ou dans plusieurs années. Je suis consciente de la chance que j’ai dans l’instant présent. Je connais des gens souffrant du SDRC depuis plus longtemps que moi et pour qui la rémission demeure un rêve inatteignable.

Je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait, mais aujourd’hui même, je peux affirmer que j’ai atteint cet équilibre dont j’ai tant rêvé et auquel, parfois, je ne croyais plus.

Malgré tout, je dois continuer de prendre ma médication et d’effectuer rigoureusement mes exercices, car c’est grandement grâce à cela que j’ai trouvé les outils nécessaires pour apprivoiser la bête.

Je ne serai jamais guérie. Je ressentirai toujours de la douleur. Je ne serai jamais à l’abri des crises ou, pire, d’une rechute de la maladie. Or, chaque fois que mon détestable crocodile décidera de sortir de sa bulle, j’ose croire que j’aurai la force, le courage et la ténacité de le ramener à l’ordre. Gare à lui!

Sache-le, crocodile : je suis une redoutable guerrière.

Suggestions de lecture

Tout comme c’était le cas pour l’ouvrage Libérez-vous de la douleur par la méditation et l’ACT de Frédérick Dionne, les deux ouvrages de Russ Harris que je vous présente aujourd’hui mettent en valeur l’approche de l’ACT (Acceptance and Commitment Therapy):

  • Harris, Russ (2021). Le Piège du bonheur. Canada : Les Éditions de l’Homme. ISBN 9782761957694.
  • Harris, Russ (2013). Le choc de la réalité – Surmonter les épreuves grâce à la thérapie ACT. Canada : Les Éditions de l’Homme. ISBN 9782761932196.

Présentation :

Dr Russ Harris est un médecin, un psychothérapeute, un coach de vie et un conférencier se spécialisant dans la gestion du stress. Il est un porte-parole aguerri de la thérapie par l’ACT, laquelle repose sur l’acceptation et l’action simultanées (Le Piège du bonheur, p.74).

Son ouvrage le plus connu, Le Piège du bonheur, a été publié en français pour la première fois en 2009, puis il a ensuite été réédité à quelques reprises.

Pour en savoir davantage sur l’approche du Dr Harris: http://thehappinesstrap.com

Le Piège du bonheur

Pour le Dr Harris, «[l’acceptation] ne signifie pas que vous deviez endurer n’importe quoi ou vous résigner à tout. L’acceptation est une façon d’embrasser la vie, au lieu de simplement la tolérer. L’acceptation vous permet littéralement de « profiter de ce qui vous est offert ». Elle ne vous oblige pas à renoncer à quoi que ce soit ou à accepter la défaite; elle ne vous dit pas de serrer les dents et de tout endurer. L’acceptation consiste à vous ouvrir pleinement à votre situation présente – à reconnaître ce qu’elle est, dans le moment présent, et à renoncer à vous y opposer» (p.73).

La philosophie de l’ACT repose essentiellement sur ceci: développer le courage de résoudre ce qui peut être résolu, la sérénité voulue pour accepter ce qui ne peut pas l’être, ainsi que la sagesse d’en connaître la différence.

Pour l’auteur, peu importe le problème auquel vous vous heurtez, il n’y a que deux options possibles (p.258):

  1. Accepter le problème pour ce qu’il est;
  2. Agir, s’engager, passer à l’action pour améliorer cette même situation.

Le Choc de la réalité – Surmonter les épreuves grâce à la thérapie ACT

Dr Harris applique ici l’ACT au choc de la réalité, que nous vivons quand la vie nous assène un coup dur. Il peut s’agir, entre autres, de la perte d’un être aimé, d’un diagnostic, d’un accident, d’une trahison, d’un incendie, etc. «Peu importe la forme qu’il prend, une chose est sûre : le choc de la réalité fait mal» (p.4).

Le choc dont l’auteur a beaucoup souffert est lorsqu’il a appris que son fils était autiste. Il s’appuie donc sur une de ses propres expériences pour mettre ses enseignements en contexte. «Je ne cesserai jamais d’être impressionné par la grande passion que nous pouvons trouver en nous lorsque nous sommes aux prises avec une douleur immense. Les crises terribles révèlent souvent la meilleure part de nous-mêmes. Elles nous forcent à ouvrir notre cœur pour chercher ce qui se trouve à l’intérieur, à creuser en nous pour découvrir de quoi nous sommes vraiment faits» (p.116).

Dans cet ouvrage rempli d’exercices courts et pertinents, l’auteur souhaite mettre l’accent sur notre épanouissement intérieur, l’autocompassion, nos valeurs et notre engagement, tous quatre étant au cœur de la thérapie ACT. «[Peu] importe le type de fossé auquel nous devons faire face – que ce soit une maladie mortelle, une infidélité, l’obésité, une fausse couche, l’isolement social ou une perte d’emploi –, une action sera requise. Si nous voulons agir de façon efficace face à l’adversité, nous devons donc impérativement nous extirper de nos pensées pour nous engager pleinement dans le monde qui nous entoure» (p.34-35).

Mon commentaire :

Les émotions lourdes et négatives entraînent souvent des sensations physiques pénibles, ce qui ne nous aide aucunement. C’est un peu l’histoire de l’oeuf et de la poule: lequel arrive en premier? Bref, les émotions négatives alimentent la douleur et vice-versa.

L’approche du Dr Harris propose d’accepter la situation négative ou douloureuse pour ce qu’elle est, pour ensuite agir en se connectant à ses valeurs. Par exemple, dans une situation de crise de douleur, on peut se reconnecter à nos valeurs familiales ou amicales, puis agir en téléphonant à un proche ou en invitant celui-ci à la maison. Si la spiritualité occupe une place importante dans notre vie, nous pouvons nous promener dans la nature ou encore sortir pour admirer le coucher du soleil. La santé est-elle une valeur fondamentale? On peut faire des étirements ou effectuer une courte séance de tai-chi. L’idée du Dr Harris est que, dans les moments difficiles, il faut se reconnecter à ce qui nous est cher et précieux: nos valeurs.

En cas de douleur invalidante, on peut aussi mettre en place différentes stratégies de gestion de crise: observer cinq objets autour de nous, prendre le temps de respirer plus lentement, etc. Bref, cette gamme de stratégies s’avère utile pour gérer la douleur et les émotions qui l’alimentent (Le Piège du bonheur, p.261-262).

J’ai choisi de vous présenter ces deux ouvrages parce que je trouve qu’ils sont en lien avec le «vivre avec» dont je vous ai parlé dans plusieurs billets. Que l’on fasse allusion à des pensées négatives ou à la douleur, c’est du pareil au même: plus on tente de lutter contre la douleur en l’alimentant par des émotions négatives (la peur, la colère, l’anxiété ou même le dégoût et la honte), plus on aggrave la situation… ce qui s’avère mauvais, voire dévastateur, pour la santé.

Bonne lecture!

Quels traitements pour le SDRC? L’ergothérapie et la physiothérapie

Ce texte n’engage que mon expérience personnelle.

J’en ai eu, des rendez-vous, depuis 2016! Deux physiothérapeutes, quatre ergothérapeutes, une kinésiologue, une psychologue et une acupunctrice se sont succédées tour à tour dans mon agenda.

Lorsque le syndrome s’impose, c’est comme si notre ordinateur interne ne reconnaissait plus le membre atteint, comme si celui-ci n’était plus là. Grosso modo, on pourrait dire que c’est le contraire du membre-fantôme ressenti chez les personnes amputées : ces gens perçoivent la présence de leur main ou de leur jambe malgré leur amputation alors qu’avec le SDRC, le contraire se produit. C’est le cerveau qui « rejette » le membre atteint, même si celui-ci est bel et bien attaché au corps. Oui, c’est vraiment une maladie étrange et cela justifie tout le sérieux que l’on doit accorder aux exercices de rééducation.

Petite confidence : il m’est parfois arrivé de douter de la pertinence et de l’efficacité de certains exercices rendus obligatoires par mes physiothérapeutes et mes ergothérapeutes. Au début de la maladie, ces techniques me paraissaient farfelues, jusqu’à ce que je comprenne réellement leur potentiel rééducatif dans le processus de réadaptation du SDRC.

Voici donc trois types d’exercices d’ergothérapie que j’ai dû faire et refaire pendant plusieurs mois pour rééduquer mon système nerveux. Je vous invite à consulter les sources présentées à la fin de ce billet pour en apprendre davantage sur chacune de ces thérapies.

Thérapie du miroir :

Cette technique exige de placer un miroir de façon à cacher le membre atteint par le SDRC, la surface miroitante vers le membre sain. Je devais ensuite observer mon pied droit dans le miroir, dont le reflet donnait l’impression qu’il s’agissait du pied gauche. Par conséquent, mon cerveau pouvait observer deux pieds « normaux ».

Reconnaissance du pied :

Le but de l’exercice est aussi de rééduquer le cerveau à reconnaître l’existence des deux membres. Pour ce faire, je devais regarder des photos de pieds orientés sous différents angles (sur le dessus, en dessous, sur le côté, pointés, tordus, etc.) et déterminer s’il s’agissait du droit ou du gauche.

Rééducation à la sensibilité ou thérapie du touche-à-tout :

Afin de diminuer l’allodynie dont je souffrais, j’ai dû travailler à désensibiliser mon pied gauche (le plus atteint) en le stimulant par le toucher. Je devais donc supporter le contact de différentes textures, dont une peau de lapin toute douce pour commencer. Puis, en progressant selon la tolérance de mon pied, il me fallait augmenter la durée de l’activité et la pression exercée, puis changer de tissu (soie, coton, laine, etc.) et recommencer. J’ai aussi dû passer régulièrement des petits tests avec des aiguilles afin de mesurer la régression de l’allodynie sur les différentes régions du pied.

Même si parfois je n’y croyais plus, même si parfois je trouvais que les exercices étaient farfelus, c’est l’entêtement de mes thérapeutes qui a fini par avoir raison!

Il est impératif de rappeler que plus les thérapies sont entreprises rapidement après le diagnostic, meilleures sont les chances que la rééducation s’effectue de façon optimale et que les dommages permanents soient moins dramatiques.

Il est fort possible qu’un.e ergothérapeute propose d’autres techniques thérapeutiques, selon le membre atteint par le SDRC ou le type de traitement à préconiser en fonction du stade de la maladie. On pourrait penser, entre autres, à la rééducation thermique. Or, mes lectures indiquent que les trois approches présentées dans ce billet sont parmi les plus fréquemment utilisées.

La médication et les traitements à l’hôpital ont joué eux aussi un grand rôle tout au long de ma réadaptation, car sans eux, la douleur occasionnée par ces différentes thérapies serait devenue insupportable, voire intraitable. C’est véritablement la combinaison médication-traitements-thérapies qui a contribué à ma rééducation et à ma réadaptation.

Sources consultées :

[s.n.] (2017). « La thérapie miroir dans les cas de SDRC », dans Thérapiemiroir.com. [En ligne]. Consulté le 15 juin 2022.

Aranda, Guillaume (2014). Le programme d’imagerie motrice – Nouvelle approche dans la rééducation du syndrome douloureux régional complexe. [En ligne]. Consulté le 15 juin 2022.

Calva, Valérie et Desjardins, Isabelle (2017). Le traitement de la douleur neuropathique selon la méthode de la rééducation sensitive. [En ligne]. Consulté le 16 juin 2022.

Louw, Adrian et al. (2014). Why Are My Nerves So Sensitive? Neuroscience Education for Patients with CRPS or RSD. États-Unis : International Spine and Pain Institute. ISBN 978-0-9904230-4-1.

Watson, James C. (2020). « Syndrome douloureux régional complexe », dans Le manuel Merck – Version grand public. [En ligne]. Consulté le 16 mars 2022.

Quels traitements pour le SDRC? La médication et les traitements en milieu hospitalier

Ce texte n’engage que mon expérience personnelle. Le but de ce billet n’est pas de nommer mes médicaments ni de comparer ma situation à la vôtre, mais simplement de présenter ma réalité en tant que personne souffrant du SDRC. Un.e autre patient.e pourrait avoir subi des traitements fort différents.

Projet expérimental : En 2017, quelques mois après avoir reçu mon diagnostic, soit près d’un an après mon accident de travail, un neurochirurgien estimait que j’étais candidate pour un neurostimulateur sous-cutané, un petit appareil placé sous la peau. Des électrodes seraient insérées près de ma moelle épinière et serviraient à bloquer les signaux de la douleur avant qu’ils n’arrivent au cerveau. Toute cette technologie serait contrôlée à l’aide d’une télécommande (ou de mon cellulaire!). Ouaip, j’en étais là tellement la douleur était incontrôlable et insupportable à cette époque. Heureusement, le vent a fini par tourner pour moi, grâce aux différents traitements dont j’ai bénéficié. J’ai donc pu échapper à cette intervention chirurgicale.

Traitements : Perfusions de kétamine et blocs analgésiques, dont les blocs lombaires sympathiques et les épidurales caudales (voir les notes à la fin de ce billet). En six ans, j’en ai subi, des traitements à l’hôpital!

Médicaments : La prise de nombreux médicaments n’a pas été sans effets secondaires : il est tout à fait normal que certaines molécules, une fois combinées, aient un impact sur notre niveau d’énergie, sur notre système digestif, sur la concentration, l’attention et la mémoire.

Le SDRC est, je vous le rappelle, incurable et difficilement traitable. Il est donc normal que plusieurs approches pharmacologiques soient proposées aux patient.e.s. L’important, c’est de finir par trouver la combinaison la plus efficace possible pour chacun d’entre nous, ce qui peut s’avérer long et ardu.

Les traitements subis et les médicaments que je consomme aujourd’hui sont le résultat de nombreux essais. Ma situation semble désormais stabilisée, mais je ne suis en aucun cas à l’abri d’une variation de tempérament de mon crocodile.

Malheureusement, utilisés de façon isolés, les médicaments et les traitements ne parviennent pas, à eux seuls, à redonner une vie décente aux patient.e.s souffrant du SDRC. Il est donc essentiel de préconiser une approche multimodale (médicaments ET thérapies) pour que les gens aient les meilleures chances de parvenir à gérer leur douleur et à améliorer leur qualité de vie.

Certaines de ces thérapies feront l’objet de mon prochain billet.

Notes :

  • Lors d’un bloc sympathique lombaire, l’anesthésiant est injecté entre les vertèbres L2 et L5.
  • Lors d’une épidurale caudale, l’aiguille est insérée entre le sacrum et le coccyx.

Sources consultées :

Louw, Adrian et al. (2014). Why Are My Nerves So Sensitive? Neuroscience Education for Patients with CRPS or RSD. États-Unis : International Spine and Pain Institute. ISBN 978-0-9904230-4-1.

NCGO. (2020). Bloc du nerf sympathique lombaire. [En ligne]. Consulté le 16 juin 2022.

Watson, James C. (2020). « Syndrome douloureux régional complexe », dans Le manuel Merck – Version grand public. [En ligne]. Consulté le 16 juin 2022.

Suggestion de lecture

Chez les personnes souffrant du SDRC, nous savons désormais qu’il est assez répandu de ressentir de l’anxiété ou du stress. Ces deux émotions, qui s’additionnent parfois, peuvent provoquer des crises de douleur. C’est pourquoi il est important de comprendre de quoi il s’agit afin de pouvoir mieux gérer notre douleur par la suite.

L’Anxiété sans complexe (2020)

Maffolini, Sophie (2020). L’Anxiété sans complexe. Montréal : Les Éditions Cardinal. ISBN 978-2-924646-88-5.

Présentation :

Dans un récent billet, je vous présentais Dre Sophie Maffolini, autrice du livre Méditer sans complexe – 28 jours de pleine conscience. Dans L’Anxiété sans complexe, elle nous accompagne pendant sept semaines et elle nous invite à effectuer, dans chacune d’elles, des réflexions théoriques et des exercices pratiques en lien avec le thème hebdomadaire abordé.

Pour en savoir davantage : https://sophiemaffolini.com/programme-l-anxiete-sans-complexe

Mon commentaire :

Dans cet ouvrage, l’autrice propose, entre autres, un chapitre soulignant l’importance d’accepter l’incertitude (semaine 7). Lorsqu’on vit avec un SDRC, je crois que c’est l’une des sources d’anxiété les plus percutantes et préoccupantes.

Les exercices et les missions hebdomadaires, à tenir dans un journal, sont d’incroyables sources de réflexion et nous aident à porter un regard bienveillant sur notre réalité. Il est pratique d’avoir des sections différentes pour chaque semaine, car de cette façon, nous pouvons progresser doucement en morcelant notre lecture et la réalisation des activités réflexives sans perdre le fil.

De plus, cet ouvrage comprend de magnifiques images apaisantes et la mise en page est remplie de douceur et de légèreté. L’intérêt de ce livre réside donc autant dans son contenant que dans son contenu.

Prendre le temps de comprendre l’anxiété, c’est nous donner l’occasion de l’apprivoiser. C’est pourquoi je vous recommande cette douce lecture.

Calme tes nerfs!

Calme tes nerfs! Ah, cette fameuse phrase de trois mots, tant répétée par moi-même, dans ma tête… Comme si cela pouvait être d’une quelconque efficacité!

Comment détendre mes nerfs déjà abimés, fatigués et rendus hypersensibles par le syndrome? J’ai beau avoir des nerfs solides, voire d’acier, ceux-ci ne sont plus à toute épreuve. Au quotidien, ils sont déjà si souvent à vif, à fleur de peau, malmenés, ébranlés, surmenés par la maladie… Et s’il faut en plus pogner les nerfs (oui oui!) pour un événement anodin, alors là, l’ensemble du système risque de s’enflammer!

Bref, comment redevenir maître de mes nerfs quand, à cause du SDRC, ceux-ci sont déjà en boule et à bout?

Quand la vie nous frappe si fort qu’elle nous force à résister à la tempête, quand la vie nous oblige à tourner la page sur ce qui était pour accueillir ce qui sera, alors seulement nous apprenons et comprenons ce que c’est d’être un guerrier. Je n’ai pas eu le choix d’être forte, je n’ai pas eu le choix d’être résiliente. La vie ne m’a pas donné de choix, mais moi, j’ai décidé de ne pas me laisser abattre ni dominer par les défis qu’elle a mis sur mon chemin.

Désormais, à cause de mon crocodile, je ne peux plus supporter les plaintes longues, amères et continuelles. Je ne peux plus supporter le chiâlage lourd, gratuit et redondant. Je ne peux plus vivre dans une anxiété excessive, dévorante et paralysante. Je ne peux plus supporter le stress prolongé, imposé et nuisible. Par-dessus tout, je refuse que mon humeur soit brouillonne, indomptable ou mélancolique.

Désormais, je refuse d’être interrompue dans mon élan de réadaptation. Je refuse de me laisser absorber par le stress induit par la maladie. Je refuse de laisser mon anxiété me dévorer et me résister.

Et qu’on ne me dise jamais de me calmer les nerfs! Je ne fais pas exprès. Je fais déjà de mon mieux pour tout gérer.

Pour le bien-être de mon système d’alarme interne, j’ai besoin de calme, d’être calme et tranquille comme peut l’être un lac par un beau matin d’été. J’ai besoin de trouver la sérénité dans les aléas de la vie et de ma maladie. J’ai besoin de lumière même dans la noirceur. J’ai besoin de ressentir gratitude et paix dans le moment présent. Je veux demeurer étonnamment droite, calme et confiante dans ma tempête.

Douleur + anxiété + humeur dépressive = un mélange explosif

Comme nous l’avons vu précédemment, le syndrome douloureux régional complexe est un trouble du système nerveux, une défectuosité du filage de notre système d’alarme interne. Il est donc attendu, voire «normal», qu’il mette nos nerfs à rude épreuve.

Malheureusement, le SDRC se manifeste rarement de façon isolée : il est généralement accompagné de l’humeur anxiodépressive. Les nerfs étant déjà irrités par la douleur, il en faut bien peu pour les agacer ou les exaspérer davantage. Le moindre événement perçu comme un tantinet inquiétant ou stressant peut vite dérégler encore plus notre système nerveux et nous faire vivre un véritable cauchemar.

Je n’y ai pas échappé. Comme si je n’en avais pas déjà plein les bras avec mon crocodile

Ressentir de la douleur au quotidien, ça finit par user le corps et l’esprit. C’est normal, à la longue, que la maladie ait un impact direct sur notre humeur. On le sait : quand le corps va mal, le mental va mal aussi!

Toute personne souffrant du SDRC se reconnaîtra dans ces pensées qui nous turlupinent dans les moments les plus douloureux :

  • Que m’arrivera-t-il si la douleur ne s’estompe pas?
  • Que m’arrivera-t-il si la douleur demeure aussi intense pour toujours?
  • Que m’arrivera-t-il si mon syndrome met ma situation d’emploi en péril?
  • Que m’arrivera-t-il si je deviens invalide?
  • Que m’arrivera-t-il si je dois vivre seule avec mon SDRC pour le reste de mes jours?
  • Que m’arrivera-t-il si…

Il va sans dire que la douleur, l’anxiété et l’humeur dépressive forment un trio redoutable : sans apprivoisement, elles peuvent entamer une danse folle et endiablée qui allumera le feu de notre système nerveux à la puissance maximale.

Heureusement, il semble que le plaisir et le moment présent interféreraient avec les signaux de la douleur et, par conséquent, avec ceux de l’humeur. Il serait donc judicieux de nous mettre en action lorsque le trio se manifeste. Voici quelques idées d’activités significatives:

  • Prendre sa médication telle qu’elle est recommandée par le médecin : quand on se sent bien, on peut avoir envie de ne plus prendre la médication prescrite, mais sans une surveillance médicale, cela peut s’avérer plus néfaste qu’utile si d’autres mesures ne sont pas aussi mises en place;
  • Suivre une psychothérapie : les psychologues sont des experts connaissant des ressources extraordinaires; elles et ils peuvent nous guider dans notre gestion de la douleur et de l’humeur;
  • Pratiquer la méditation et la pleine conscience : cela « permet d’agir sur toutes les facettes de la douleur : les sensations physiques, les pensées, les émotions et les comportements » (voir Frédérick Dionne, p. 48);
  • Pratiquer l’art-thérapie ou une activité artistique par pur plaisir (ex. : jouer d’un instrument de musique, colorier, peindre) : c’est bien connu, l’art possède de nombreuses vertus thérapeutiques, dont l’apaisement de la douleur, la réduction de l’anxiété et du stress et l’amélioration de l’humeur et de l’estime de soi;
  • Pratiquer une activité qui produit un résultat « rapide et concret » : cuisiner un nouveau plat, jardiner ou tricoter, c’est aussi se donner l’occasion de s’occuper les mains et l’esprit et de célébrer un accomplissement à la fin du processus;
  • Regarder des tutoriels, des vidéos informatives ou lire des ouvrages spécialisés sur un thème qui a piqué notre curiosité : s’informer ou apprendre quelque chose de nouveau permet de détourner notre attention et notre concentration sur un sujet plaisant et utile, ce qui peut «tromper» notre cerveau pendant la durée de l’activité… et pourquoi ne pas, par la suite, réinvestir les choses apprises dans un projet personnel?
  • Tenir un journal, établir une liste de choses positives (un accomplissement, la bonne nouvelle du jour) ou écrire sans but précis, tout simplement : l’écriture possède de nombreux bienfaits, dont l’apaisement de la douleur et la libération du stress qui y est reliée.

En revanche, il existe des activités qu’il vaudrait mieux éviter lorsque le déplaisant trio s’active dans les parages :

  • Fréquenter abondamment les réseaux sociaux : passer son temps à admirer la vie parfaite des gens parfaits (en apparence!) peut devenir rapidement une source d’anxiété, sans parler des nombreuses minutes perdues;
  • Consommer de la malbouffe : certains aliments peuvent nuire à notre gestion du trio infernal à cause de leurs composantes inflammatoires (même si nous croyons qu’une bonne grosse poutine extra fromage peut être réconfortante lorsque notre douleur est élevée ou que notre moral est raplapla, il demeure préférable de ne pas en abuser si nous traversons une période difficile);
  • Consommer caféine ou alcool dans les moments intenses : privilégiez plutôt le lait chaud, les tisanes ou les infusions, ainsi que les promenades agréables et favorables à la détente.

Faire la paix avec mon crocodile m’a aidée à mieux gérer mon état dans son ensemble. Depuis que j’y travaille, et grâce à ce que j’ai appris et mis en œuvre dans les six dernières années, la bête sauvage et moi cohabitons mieux.

Il faut comprendre que la douleur neuropathique, par sa nature même, contribue à l’anxiété et à l’humeur dépressive, lesquelles peuvent, à leur tour, aggraver la douleur. C’est un véritable cercle vicieux, un Triangle des Bermudes rempli de danger et de mystère, mais qui est loin de n’être qu’une légende pour les gens souffrant du SDRC.

Petite histoire d’un grand accomplissement

Je l’ai fait.

Ça m’aura pris six ans, mais je l’ai fait.

J’ai réussi à marcher mes premiers cinq kilomètres en continu sur un tapis roulant. J’ai marché à mon rythme ou, plutôt, au rythme dicté par mon crocodile.

Cela faisait six ans que je n’avais pas réussi à marcher une telle distance sans devoir m’arrêter, moi qui, pourtant, dans une vie antérieure, parcourait sans tracas une dizaine de kilomètres à la course plusieurs fois par semaine.

Au début de ma maladie, je peinais à marcher plus de deux minutes. La douleur était atroce, aucun mot ne peut décrire la douleur extrême qui m’assaillait à chaque pas, des orteils jusqu’à la région lombaire. J’ai eu si peur de demeurer dans cet état de handicap pour le reste de ma vie…

On m’a prescrit des orthèses, une semelle de carbone, des chaussures orthopédiques, une vignette de stationnement pour personne à mobilité réduite, de la physiothérapie, de l’ergothérapie, de la kinésithérapie et de l’acupuncture. On m’a aussi fourni une canne d’aide à la marche, que j’ai souvent apportée avec moi lorsque je sortais de la maison.

Mes collègues de travail m’ont vue marcher dans les corridors en frôlant les murs pour m’aider à me tenir debout. Ma famille m’a vue marcher si lentement, en boitant et en trainant les pieds, qu’un escargot aurait remporté n’importe quel défi contre moi.

On m’a souvent répété que plus rien ne serait comme avant à cause de mon SDRC aux membres inférieurs.

Toutefois, j’ai tenu tête au pronostic.

J’ai pleuré de douleur et de colère, et ce, plus souvent que ce que vous pouvez imaginer. J’ai rougi de gêne en boitant. J’ai été embarrassée par ma mobilité réduite. J’ai même été humiliée et fait rire de moi dans les endroits publics parce que je portais mes bottes chauffantes ou que j’utilisais ma canne (une jeune femme se déplaçant avec tous ces accessoires de Robocop, ben voyons!).

Or, quand la honte finit par se lire aussi dans les yeux de la personne aimée, on sait, alors, que le pire est à venir.

Mais j’ai marché. Et marché encore. Parce qu’il le fallait, mais aussi parce que je suis entêtée. J’ai d’abord longé le petit corridor de mon ancien domicile. Puis, pas le choix, j’ai descendu les étages un à un pour me rendre à mes rendez-vous et pour prendre l’air avec mon petit chien. Ensuite, je me suis rendue un peu plus loin en faisant le tour de la rue. Quand j’ai pu franchir mon premier kilomètre sans m’arrêter, j’ai su que je pouvais améliorer mon état si je continuais à faire preuve de courage, de patience et d’endurance. Et j’ai progressé lentement, mais sûrement, au rythme établi par mon crocodile.

Mes parents, des membres de ma famille et des amies se sont joints à moi, de temps à autre, pour m’encourager, m’accompagner, me changer les idées. Que ce soit au centre commercial pendant l’hiver ou dans un joli parc en été, chacune de ces précieuses personnes a respecté avec joie le rythme imposé par la bête sauvage. Le véritable bonheur résidait dans le temps passé ensemble et non dans la distance franchie. Je remercie du fond du cœur toutes ces personnes qui ont participé activement à ma réadaptation.

Je ne peux pas nommer ce que ces cinq petits kilomètres sur un tapis roulant représentent comme efforts répétés, comme larmes versées, comme espoir et entêtement fournis, comme moments de découragement et de frustration ni comme prises de bec avec mon crocodile.

J’ignore à quel moment il me permettra à nouveau de parcourir cette même distance sur un tapis ou, encore mieux, à l’extérieur. Toutefois, je demeure optimiste de pouvoir négocier la chose avec lui, car je crois qu’il comprend maintenant qu’il profite lui aussi des bienfaits de ces plus longues promenades.

Mon grand accomplissement, au fond, ce n’est qu’une petite marche de cinq kilomètres, mais il représente pour moi un véritable exploit après six ans de travail acharné. Cette réussite me permet maintenant de rêver de la suite. Allez, crocodile, on fait équipe? Ça prendra le temps que ça prendra, un kilomètre à la fois: un jour, je courrai à nouveau. Je n’ai pas encore dit mon dernier mot.